Résistance ?

 

La « résistance », quand on est français, porte une histoire singulière. On a appelé « la Résistance » l’ensemble de tout ceux et de toutes celles qui ont combattu l’occupation allemande et le régime français de collaboration pendant la Seconde guerre mondiale. Ce mot sonne donc à la fois comme une prise de risque (on met sa vie en jeu en résistant) et comme une prise d’armes affective contre ses adversaires.
Aujourd’hui, seuls ceux et celles qui risquent à proprement parler leurs vies à se battre contre des ennemies surpuissants peuvent encore être considérés comme « résistants ». Les autres, à peu près nous tous en Occident, nous ne faisons au mieux que nous « engager » (et encore, qu’est-ce que ce mot peut bien vouloir dire pour nous ? il semble lui aussi trop galvaudé au regard de la réalité de nos pratiques politiques).

Faire du cinéma n’aura jamais rien en commun avec quelque forme de « résistance » que ce soit. Au mieux, des films peuvent donner à voir des hommes et des femmes qui ont résisté ou qui résistent encore. Mais les films eux-mêmes ne sont rien et aucun réalisateur ne « résistera » jamais en faisant du cinéma et ce même si certains réalisateurs en ont la prétention. À ces réalisateurs trop présomptueux, je conseille de (re)voir Ici et ailleurs de Godard. Dans ce film, il revient sur des images qu’il a filmées quelques années plus tôt et qui montrent des Fédayins au Liban. Il se rappelle qu’il pensait alors faire lui aussi acte de « résistance » avec ce film à venir. Mais la réalité l’a remis à sa place. Le camp a été bombardé peu après le tournage, tous les Fédayins sont morts alors que lui avait toujours le loisir de faire des films et de discourir sur le cinéma comme « résistance » ou « engagement »…

La réalité est bien plus terrible que le cinéma. C’est seulement dans cette réalité qu’il peut y avoir « résistance ».

 

Jean-Gabriel Périot
New Horizons film festival
Août 2017